Le blanc et noir méritent qu’on s’attardent un peu plus à leur sujet. Deux raisons expliquent cela :
La première est que contrairement aux autres teintes, il est difficile de distinguer le blanc de titane et de zinc, ou bien le noir d’ivoire et de mars par leur simple apparence. Leurs différences résident dans leurs caractéristiques.
La seconde est la raison d’être du noir et blanc qui est toute particulière. D’après les scientifiques, l’une est absence de couleur, l’autre est la synthèse de toute les couleurs réunies. Autrement dit, le noir absorbe toutes les couleurs du spectre lumineux, tandis que le blanc n’en absorbe aucune, il les renvoie toutes selon le principe de réflexion. Le blanc et le noir sont donc considérés comme des « non-couleurs ». Cependant, d’un point de vue purement pictural, le blanc et le noir font parties de la gamme chromatique au même titre que le rouge, le bleu, le vert, etc….
A l’instar des autres couleurs, le blanc et noir agissent en tant que charge émotionnelle, donnent l’intensité d’une teinte et sont fortement influencés par les teintes avoisinantes. A tel point que le blanc et le noir « purs » sont difficiles à obtenir, du fait qu’un reflet les teint toujours plus ou moins légèrement.
Pour obtenir le noir le plus intense, Hokusai mélangeait 4 noirs différents lors de la fabrication de son encre :
- Un “noir ancien” additionné de rouge,
- Un “noir frais » additionné de bleu
- Un “noir terne” additionné de blanc
- Un “noir brillant » additionné de gomme arabique
Quant à J.D Régnier : « Le noir le plus intense que le peintre ait à sa disposition pour imiter à peu près le noir de l’ombre absolue, c’est un mélange de deux parties d’outremer, d’une partie de laque de garance et trois de bitume (à remplacer par l’oxyde fer ou noir de mars). »
Noir
Noir de carbone
D’origine minérale, c’est le pigment le plus utilisé dans l’industrie des peintures. Son noir est intense et légèrement bleuté. Il est aujourd’hui industriel, mais autrefois il s’obtenait grâce à la suie de fumée de combustion d’une cire ou bien d’une résine de pins. C’est pourquoi, ce pigment porte encore parfois le nom de noir de fumée. Toutefois, les qualités peuvent varier selon les matières brûlées. C’est le cas du noir de charbon (ou noir minéral) se trouvant sur le marché, sa qualité est bien inférieure car il s’obtient par calcination de schistes qui rend le résultat souvent impur.
Noir de mars
C’est un oxyde de fer de synthèse qui remplace le pigment minéral naturel utilisé depuis la préhistoire. Il crée un noir opaque, couvrant, siccatif, résistant à la lumière et légèrement bleuté. Ses caractéristiques lui permettent d’être utilisé sans risques pour toutes les techniques.
Noir d’ivoire
Etant le plus intense et le plus neutre, c’est celui-ci qui est majoritairement utilisé pour la peinture artistique. Contrairement aux précédents, c’est un noir chaud. Il est peu siccatif, il va donc durcir ou sécher assez lentement. Mieux vaut l’utiliser en petite quantité, en couche fine ou en mélange plutôt qu’en épaisseur, surtout pour la peinture à l’huile. Autrefois, c’était du véritable ivoire calciné, de nos jours bien évidemment il est obtenu par des substituts. Il a existé une variante depuis l’Antiquité proposant plus ou moins les mêmes caractéristiques, mais elle est extrêmement peu utilisée de nos jours pour des raisons de fabrication étant donné que ce noir d’os ou noir animal s’obtenait, comme son nom l’indique par la calcination d’os de mouton, de bois de cerfs, de corne de rhinocéros, etc…
Ces teintes noires citées sont facilement accessibles à moindre coût grâce à leur industrialisation. ils sont disponibles dans tous les commerces spécialisés sous forme de pigments ou en prêts-à-l’emploi dans des tubes de couleurs. Avant cette ère, les peintres obtenaient cette teinte par divers procédés et matériaux aujourd’hui partiellement ou totalement disparus et inutilisés. Comme les pigments végétaux tels que le noir de vigne (à base de sarments calcinés) ou le noir de pêche (à base de noyaux calcinés), ou encore le noir d’Allemagne fabriqué à partir de lie de vin brûlée, lavée puis broyée.
En peinture à l’huile, il n’est pas conseillé d’utiliser le noir en trop grande quantité. Etant fabriqué avec beaucoup d’huile et de siccatif, des craquelures et des embus peuvent se former si la pâte n’est pas correctement appliquée. Il est donc recommandé de l’utiliser en petite quantité, en couche fine ou bien en mélange. En effet, mieux vaut le mélanger avec d’autres teintes, car le pigment noir étant très fin, il remontera plus facilement à la surface le noir et provoquera ce qu’on appelle des assombrissements. Un désastre pour l‘œuvre.
Blanc
Il faut savoir faire la distinction entre les pigments blancs et les matières de charge (appelées couramment « charge »). Ces dernières sont utilisées dans la fabrication de certaines peintures, enduits et produits de mise en œuvres, dans l’unique but d’en modifier le volume ou la densité.
Extraites des roches calcaires, les principales charges naturelles utilisées sont le kaolin, le talc, la craie, le plâtre et la chaux. En apparence, rien ne les distingue des pigments puisque ces matières de charges sont vendues en poudre d’une très grande blancheur. Seulement, elles n’ont aucun pouvoir colorant ni même couvrant. Malgré leur utilité, les matières de charges sont victimes de leur réputations, puisque ce sont elles qui sont rajoutées aux mélange lors de la fabrication des couleurs, afin de diminuer la concentration pigmentaire, réduisant ainsi le prix, et donc la qualité. C’est la présence et la proportion des matières de charges au sein de la composition d’une couleur qui détermine la qualité (étude, fine ou extra-fine). Plus une couleur contient de charge, moins elle est lumineuse, intense et résistante à la lumière.
Les pigments blancs quant à eux, sont principalement obtenus par traitement des métaux, permettant d’obtenir une blancheur optimale, résistante et colorante.
Blanc à base de plomb
Le blanc de plomb, la céruse et le blanc d’argent sont souvent confondus, car leur procédé de fabrication est similaire. Des lamelles de plomb soumis aux vapeurs de vinaigre. Seulement, ils différent dans leur composition. La céruse contient une faible quantité de craie, quant au véritable blanc d’argent, il était autrefois obtenu par de l’argent pur. Celui-ci est tellement éclatant qu’il a été surnommé un temps le blanc de lune. Le blanc à base de plomb est utilisé depuis l’Antiquité grâce à ses propriétés qui font de lui un blanc pur, mais aussi le plus solide, le plus siccatif, le plus opaque et le plus fin. Il est si siccatif, qu’il autorise les forts empâtements. Malheureusement, en vieillissant il a tendance à jaunir les couleurs pâles et à perdre un peu de son opacité. Sa fabrication est à présent arrêtée du fait de sa toxicité, qui le rendait également incompatible avec bon nombre de pigments. Il est de nos jours remplacé par le blanc de titane.
Blanc de titane
Il a été créé en laboratoire dans les années 1920 pour remplacer le blanc de plomb, bien trop toxique pour les normes sanitaires modernes. Le blanc de titane est un parfait compromis, il est aussi opaque et couvrant que le blanc de plomb, tout en étant inoffensif. C’est un blanc chaud qui peut avoir malheureusement tendance à jaunir, de plus il est assez long à sécher ou à siccativer.
Blanc de Zinc
Aussi appelé oxyde de zinc ou blanc de chine, il est apparu en 1782 mais n’est utilisé pour la peinture artistique seulement dans les années 1850. Il est obtenu par la combustion du métal pur à l’air libre. Comme le blanc titane il n’est pas toxique, en revanche du fait de sa très grande transparence, mieux vaut l’utiliser pour les mélanges ou les glacis plutôt qu’en couleur brute. En trop grande épaisseur il peut devenir cassant, mais sa stabilité l’empêche de jaunir avec le temps.
Blanc de titane-zinc
Ce n’est rien de plus qu’un mélange des deux blancs précédents. Cette combinaison permet à cette teinte de sécher rapidement et de conserver sa blancheur grâce au zinc, tout en étant opaque et couvrante grâce au titane.
Vous en savez un peu plus à présent sur les différents produits proposés dans le commerce, ça facilitera ou influencera probablement vos choix. Pour cela vous pouvez toujours en plus lire l’article : Comment choisir ses couleurs?
Bonjour,
Merci pour ces informations, toujours intéressantes.
Je rencontre un problème contrariant avec le noir. En effet, mon noir d’ivoire fonce (!) au bout de quelques temps. Aussi, lorsque je dois faire une reprise (passé une quinzaine de jours) les corrections apparaissent-elles plus claires. Cette baisse de ton affectant exclusivement la première couche (!), les corrections apportées ne se remettent jamais dans le bon ton. Ainsi lorsque je fais une touche noire sur fond noir, celle-ci apparait plus claire, façon brun-mauve très sombre. Il ne s’agit pas d’un embu, le phénomène étant instantané et un vernis à retoucher isolant les deux couches. Le noir qui sort du tube n’a pas varié de teinte lorsque je le compare à différents tests fait précédemment et s’étalant sur plusieurs années. Il ne s’agit pas d’un phénomène de matité dû à la règle du “brillant sur brillant donne mat”, mon noir de deuxième couche restant obstinément plus clair, même généreusement additionné de baume de térébenthine de Venise. Ce phénomène apparaît tant avec le noir d’ivoire qu’avec le noir de mars (en deuxième couche, la première étant en noir d’ivoire). L’application d’un vernis à retoucher sur la deuxième couche après respect des délais de “séchage” (15 jours minimum) ne corrige pas le problème.
Merci pour votre éclairage et bonne inspiration.
Bonjour Dominique, si le même phénomène survient malgré vos différents tests, alors il faut en conclure que la préparation du support y est peut-être pour quelque chose. Vous avez abordé tous les aspects et les divers traitements de la surface picturale, mais qu’en est t-il du support ? Sa teinte, son absorptivité et ses caractéristiques font varier les effets et mécanismes. Si le support est de bois ou de toile, est-il suffisamment encollé et enduit ?
J’espère vous avoir apporté une nouvelle piste à suivre. Des éléments me manquent pour pouvoir vous apporter une quelconque réponse ou solution.
Cordialement
Merci pour votre réponse Amandine. Ce cas est passablement tordu, en effet.
Je peints sur panneau de carton-bois ou sur toile et j’enduis l’un ou l’autre avec le Gesso de chez Talens. Les ennuis que je rencontre se produisent indifféremment du support. Cette préparation de support n’a pas beaucoup évolué depuis quelques années et le soucis qui me met dans le décors est relativement récent. En fait, à mieux examiner les couleurs, il semble bien que le noir fonce à mesure que le durcissement de la pâte s’opère (tout comme le blanc, lui, perd de son opacité. Mais c’est là certainement un phénomène plus connu et, quoi qu’il en soit, mieux à même d’être anticipé).
Par curiosité, j’ai appliqué sur ce “noir plus noir que noir” une deuxième couche de noir, allongée d’un diluant composé de standolie + résine mastic + térébenthine de Venise. Question brillant, à côté Las Vegas c’est le dark age.
Mais rien à faire, les retouches sont toujours moins sombres que le fond…
J’ai également essayé la recette du père JD Régnier. Pas bon.
Une question Amandine : suis-je maudit ?
Eh bien aujourd’hui j’ai appris ce qu’était un siccatif, preuve de l’utilité des blogs artistiques.
à mon avis ça pourrais être que votre 2e couche est sur une premiere couche de peinture, donc sur un support plus lisse/plat que le support sans peinture. De ce fait il se peut que la 2 eme couche soit plus lisse encore que la premiere, donc reflete plus la lumière.
En simplifié. Car il m’est arrivé la même chose en repeingnant ma maison… Et j’en ai conclu ça. Après je peut totalement me tromper