Serge Marzin, graveur-buriniste
Partons à la découverte d’un métier ancestral, celui d’imprimeur d’art. Serge Marzin installé à Saint-Pol-de-Léon dans le Finistère, compte parmi la cinquantaine de graveurs-burinistes aujourd’hui en exercice en France. Serge Marzin a chaleureusement accepté de répondre à mes questions, et de lever le voile sur cet art mystérieux où le monde se voit à l’envers
Serge, pourriez-vous donner votre définition du métier de graveur buriniste ?
“La gravure est un art, qui rentre dans la famille de l’estampe. L’estampe est un mot générique qui décrit les méthodes d’impression à plat faîtes manuellement. Comme la sérigraphie, la lithographie et la gravure. La gravure est divisée en deux sous-familles :
- la gravure taille-douce
- la gravure en taille d’épargne.
La gravure taille-douce est représentée par un creux. C’est-à-dire que l’on creuse dans le métal ou dans un alliage une empreinte en creux avec soit un outil comme une pointe aciérée ou à l’aide de l’acide. Dans cette sous-famille de la gravure taille-douce, on considère deux orientations pour réaliser ce creux, en taille directe: lorsque que l’on réalise une pointe sèche, une manière noire dite mezzotinto ou un burin; puis en taille indirect avec l’intervention d’un mordant réalisé à base d’acide nitrique, perchlorure de fer ou acide chloridrique lorsque l’on réalise une eaux-forte, aquatinte, technique au sucre, etc…
La gravure taille d’épargne réside dans le fait de créer un relief, tout ce qui est creusé ne ressortira pas à l’impression.
On emploi le terme de graveur buriniste lorsque la technique du burin est majoritaire dans le travail. Pour ma part 80 % de ma production est réalisée avec mes burins.”
On peut lire des appellations telles que graveur-buriniste, graveur taille-doucier ou encore imprimeur d’art, pouvez-vous nous éclaircir sur tous ces termes ?
“Graveur-buriniste : l’art de travailler la gravure dans son plus simple apparat. Le burin existe soit droit (très difficile à trouver actuellement car plus personne n’en fabrique), soit coudé. Il existe deux sections différentes, section en carré pour obtenir une taille évasée et la section en losange pour obtenir une taille étroite. Le burin se compose d’un pommeau en bois dur, en forme de poire comportant un méplat. Ce pommeau sera tenu dans le creux de la pomme de main. A l’intérieur de ce pommeau est enfoncé à chaud une tige en acier traité par une “trempe à l’huile”. Cette tige sera affutée d’un angle de coupe à son extrémité.
Il faut savoir qu’inciser dans un métal ou un alliage quel qu’il soit demande la conjonction de deux angles; un angle de coupe et un angle de dépouille. Dans la cas du burin l’angle de dépouille est donné par l’inclinaison de la main.
Ce métier demande au graveur la capacité de travailler d’une manière ambidextre.
En effet, la pointe du burin est dans le prolongement de l’index. L’outil va en avant. Pour obtenir une courbe, ce que l’on appelle un espace forme, la main gauche pour un droitier fera tourner la matrice sur la pointe de l’outil. Pour cela on utilise un coussin de cuir qui renferme en son coeur une poche de sable de rivière. L’angle d’attaque du burin est primordial. La section carré ou losange lors des incisions devra rester perpendiculaire à la matrice. Car l’écriture réalisée au burin n’est reproductible que par elle-même. Dans cette technique encore plus que dans les autres, le trait du burin est caractéristique par son relief d’encrage.
Dans cette technique directe du burin, on est projeté dans l’univers de Pierre Soulages “le noir matière”.
La densité de l’encre et son ombre projetée lorsque l’on regarde une estampe reste magique
Quel est votre parcours professionnel et comment la gravure est-elle venue à vous ?
“Mon parcours commence lorsque j’avais onze ans. Déjà à cet âge, le dessin était mon mode d’expression premier. La publicité de Guy Degrenne me fait sourire car j’ai eu ce genre de réflexion à la communale “ce n’est pas comme cela que vous réussirez dans la vie M. Marzin“. L’expérience traumatique qui va être déterminante pour moi est qu’à l’âge de onze ans, ma mère va faire un séjour d’un an en chambre stérile, ce séjour lui sera fatal. La seule vision de ma mère est son visage vu de quelques mètres au derrière d’une vitre. Alors à chaque visite je dessine le portrait de ma mère. Je vais déclencher sans le savoir, la passion du trait. Ensuite, l’expérience de la vie m’a amené à réaliser des portraits dans des lieux communs. Puis viendra la peinture de chevalet pendant une vingtaine d’année. Pas d’école, je n’apprends pas comme cela, je suis un vrai autodidacte. Et d’ailleurs j’assume ce trait depuis peu d’année; car la France n’aime pas beaucoup l’autodidacte. Mais c’est tout simplement par ce parcours et par un rêve de gosse que j’en suis là.
Un de mes oncles travaillait à l’imprimerie nationale à Paris. Lorsqu’il parlait de son métier, j’étais comme devant un conteur.
L’univers de Gutenberg ou de Britto me faisait rêver. J’ai toujours adoré les livres. Les toucher, les feuilleter, les lire et surtout admirer les gravures qui souvent ornementaient les ouvrages des bibliothèques. Curieuse cette aspiration pour ce monde du livre, surtout pour un “cancre“…
Selon vous, quelles sont les qualités indispensables pour être graveur-buriniste ?
“Pour être graveur, il est indispensable d’avoir un sens précis du dessin.
“Le dessin est le solfège de l’artiste tel qu’il soit (peintre, sculpteur ou graveur), car tout commence là. Ensuite, ce métier demande le sens du rangement, il faut être ordonné et précis. Les agités ne sont pas les bienvenus dans un atelier de gravure, car il ne faut pas confondre vitesse et précipitation comme le dit l’expression… Ensuite la philosophie de la lenteur est un plus.
Je suis un besogneux, car ma nature est proche de l’aspiration d’un moine pour la foi. Je travaille en ascèse, une méditation zazen au réveil qui va être poursuivie tout au long de la journée par cette pratique du burin. Tout simplement parce que cette pratique demande de vivre dans le concept proche à O’Senseï Deshimaru “Ici et maintenant”
Dans cette pratique du Burin, le repenti n’existe pas, un trait est une incision. C’est posé, pas de possibilité de gommer.
Dans votre vidéo vous dîtes “Avec mon burin, j’interprète mon trait de pinceau“, pourriez-vous nous expliquer ?
“Au début de ma carrière de graveur je travaillais comme sur toile. En transposant le dessin préparatoire d’un de mes carnets de croquis. J’ai travaillé de la même façon, puis, à chaque fois, un même constat. Celui d’être en décalage avec l’émotion. Alors j’ai naturellement repris mon pinceau. Outil que je connaissais et j’ai posé mon émotion comme un asiatique pourrait le faire. Me tenant debout face à la matrice, faisant confiance à l’énergie de l’intellect. L’émulsion ainsi posée sur le cuivre ou autre support, une fois sec, donne par la spontanéité du geste une énergie propre. Cet instant de fougue, né d’une pure émotion ressentie dans la nature, car je suis un contemplatif; et ensuite par l’alchimie de la lenteur révélée sous le trait d’un burin, je vais interpréter le trait du pinceau; par le biais d’incisions d’espaces-plan, d’espaces-forme, de tailles, de contre-tailles, de tailles alternées enfin une multitude d’écriture d’où va naître l’estampe que l’on nomme gravure au burin.”
Sur quelle(s) thématique(s) travaillez-vous et quelles sont vos sources d’inspiration ?
“Comme je vous l’ai dit, je suis d’une nature contemplative. La nature est ma première source d’inspiration. J’y trouve l’essentiel. Dans le végétal, sa posture, toute la nature humaine y est imprégnée. Actuellement je travaille sur le thème de la passion du Christ, un parcours d’au moins deux ans de travail. Je travaille sur la transposition de ce thème en “passio végétalis”, un hymne écologiste contre la déforestation et la nature vénale de l’homme. L’arborescence est intimement liée à cette vie biblique.”
Qu’est-ce vous passionne dans ce que vous faites ?
Une fois la technique acquise vient la création. Le bagage technique libère la créativité.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune artiste qui partage la même passion ?
Puis restez vous même, confiant dans votre oeuvre, mais surtout sans attente. Travailler, toujours et toujours. Si vous ressentez que votre vie est dans l’art, foncez, et si maintenant votre art ne se vend pas ce n’est pas parce que vous êtes mauvais, non, tout simplement ce n’est pas le moment.
Atelier An AWEN ” Traces d’empreinte”
Atelier du buriniste
9 rue Rozières – 29250 SAINT POL DE LEON – France
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Bonjour Monsieur Marzin
Vous faites un bien joli travail.
Ma sœur a pratiqué le métier de graveur en taille douce, donc je connais certains termes de ce métier. J’ai une petite collection de burins, marteau et autres outilsà vendre en rapport avec la gravure sur cuivre. J’aimerais savoir si vous seriez interressé ?
Bien cordialement.
Mme EZRATTI