Peindre comme Titien
Après l’article sur le procédé des Primitifs flamands (cliquez ici pour le voir), nous allons voir comment peignait le Maître vénitien du XVIe siècle, considéré comme le “Maître de la couleur”.
Contexte historique
L’Italie a à cette époque rapporté les connaissances techniques des maîtres flamands. Cependant les cultures n’étant pas les mêmes, la manière de peindre s’est adaptée. Titien (1485-1576) a été de ceux qui ont contribué à la gloire artistique de Venise.
Venise était à l’époque un grand port commercial, ce qui donnait à cette cité l’opportunité de découvrir et de posséder entre autre une gamme étendue d’étoffes et de pigments. Ainsi les artistes et les artisans avaient plus facilement recours aux produits rares et luxueux afin de produits des œuvres de qualités.
Les italiens ont donc rapporté la technique flamande dans leur pays mais l’ont adaptée car ces deux cultures ne travaillaient ni sur les mêmes sujets, ni sur les mêmes formats. Les panneaux de bois par exemple ne pouvaient en aucun cas convenir au monumentalisme italien. Titien est alors un des premiers a utiliser la peinture à l’huile de manière “moderne”. Le blanc est utilisé en tant que couleur, ce n’est donc plus le fond que l’on garde par transparence. Il peint en pleine pâte, les couleurs sont beaucoup plus grasses et huileuses ayant moins de résine. Elles deviennent également plus opaques. Le dessin est moins net, c’est davantage une suggestion. La spontanéité de l’expression est inédite et se ressent à travers les nombreux repentirs visibles. Les délais des temps de séchage et du vernissage sont raccourcis au point de mettre la couche picturale en danger.
Selon Xavier de Langlais, d’un point-de-vue purement artistique, Titien mérite amplement son titre de prestigieux peintre notamment par son sens de la composition, la poésie de ses couleurs et la profondeur des ses portraits. En revanche, il rend Titien en parti coupable de la détérioration technique des œuvres peintes. Sa méthode aurait crée chez ses successeurs une absence de méthode, néfaste quant à la conservation et à la solidité des peintures.
La technique de Titien
- Les panneaux de bois sont peu à peu abandonnés car l’utilisation des toiles sur châssis permet de plus grands formats et facilite également le transport en les roulant.
- La toile est comme pour les flamands encollée à base de craie et de colle de peaux. L’encollage réduisant l’absorption des fibres et empêche l’huile de les rendre cassantes.
- L’ébauche est exécutée en pleine pâte. Il appelle ça “faire le lit de la peinture”. Elle peut être très épaisse et se réduit à quelques taches colorées. Toujours selon Xavier de Langlais, l’ébauche est réalisée dans une large gamme de couleurs, alors que dans l’ouvrage Les techniques des plus grands peintres du monde, l’ébauche de Titien serait faite d’ocre et de blanc.
- La pâte épaisse était pauvre en résine mais riche en huile. Titien utilisait donc un solvant avec une plus grande quantité d’essence de térébenthine.
- Titien pouvait laisser ses toiles au repos pendant des mois, voir des années pour ensuite faire les retouches ou les modifications nécessaires. Son élève Palma Giovene a écrit à ce sujet :
“Il distribuait les zones de lumière et en quatre touches, il était capable de créer une figure remarquablement belle. Puis il tournait le tableau vers le mur et le laissait ainsi pendant des mois sans le regarder, jusqu’à ce qu’il le reprenne et l’examine d’un œil critique, comme s’il s’agissait d’un ennemi mortel. Si quelque chose lui déplaisait, il procédait comme un chirurgien, opérant plus avec ses doigts qu’au pinceau”.
Cette manie est risquée, car repeindre sur un tableau qui n’est pas totalement sec crée des craquelures. Titien l’avait bien compris, ses délais étaient suffisamment longs, ce qui malheureusement n’a pas été forcément le cas de ses successeurs. L’étude de ses toiles ont confirmé le fait qu’il peignait parfois à même les doigts. Pour obtenir des fondus rapidement par exemple.
Titien obtient son relief par le jeu des oppositions, la clarté des chairs environnée de rouges puissants, de bleus intenses ou de bruns dorés. Ses lumières sont peu naturelles mais très picturales, faites de forts contrastes.
Les chairs des femmes sont très clairs grâce au dessous blancs et les chairs d’hommes plus rouge et toujours ombrés d’un roux doré transparent (mélange d’ocre rouge et de terre de sienne brûlée).
- Pas utilisée dans les premières couches, la résine l’est pour les glacis. C’est ainsi qu’il obtient une très grande transparence.
“Afin de mettre plus en valeur ses figures principales, le Titien concentrait sur elles un maximum de lumière, en glaçant le détail des fonds et des figures accessoires sous une teinte chaude, faite du ton doré. “
C’est grâce à sa simplicité que cette technique provoquera un engouement. Les peintres sont à présent libres, soumis à moins de rigueur. Les atmosphères au sein des tableaux se créent engendrant un amour pour le clair-obscur. Pratique largement utilisée par les générations suivantes.
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Intéressant article qui complète utilement ce que l’on peut savoir sur Titien. J’ai donc appris qu’il laissait reposer ses tableaux avant de les reprendre.